Changement de propriétaire...
Voilà, c'est fait, ça devait bien arriver un jour. Les éditions Soleil ont été vendues par son directeur/créateur Mourad Boudjellal. La nouvelle a fait l'effet d'une bombe parmi les auteurs maison et parmi les salariés de l'entreprise. C'est Guy Delcourt, son concurrent historique qui devient le patron de Soleil productions, Mourad restant actionnaire minoritaire.
Impossible pour l'instant pour moi, et pour beaucoup d'autres personnes, d'maginer Mourad Boudjellal dans un costume de (seulement) directeur de collection. Ceux qui le connaissaient un peu plus que les autres et depuis un peu plus longtemps que les autres avaient noté depuis un petit moment déjà sa lassitude et son recul par rapport aux projets éditoriaux.Ceux qui le connaissaientt presque par coeur avaient remarqué que la petite flamme qui brillait dans ses yeux lorsqu'il regardait des nouvelles planches avait disparue.
Il avait même organisé il y a 4 ans, pratiquement jour pour jour, un mini-séminaire où il avait réuni une petite partie des auteurs de la maison, dont je faisais partie, pour nous expliquer qu'il avait perdu un peu de vue ses affaires et ses auteurs, mais qu'il revenait, que la magie du début concernant le Rugby Club toulonnais s'était émoussée et qu'il était devant nous ce jour-là pour nous rassurer.
Quatre plus tard, il a fait son choix. Connaissant bien le bonhomme, c'est une décision certainement longuement et mûrement réfléchie.Un paradoxe pour quelqu'un d'impuslsif comme lui qui décide en 3 secondes ce que d'autres décident en 3 mois.
Il cède la majorité des parts de la société à Guy Delcourt, reste actionnaire minoritaire et reste le référant en ce qui concerne le catalogue de Christophe Arleston et le catalogue Jean luc istin. Comme il le dit lui même, il continuera à faire des bouquins avec des gens qu'il aime et qu'il apprécie.
Loin de moi l'idée de lui jeter la pierre. De toute façon, sentant venir le vent, j'avais pris mes précautions depuis quelques temps déjà en signant des projets chez Glénat, aux éditions Secher et en lançant des hameçons de-ci de-là.( qui ont, au passage, quasiment tous mordu)
J'ai beaucoup trop de respect pour l'homme et je connais trop bien les obstacles qu'il a rencontré pour arriver là où il est aujourd'hui pour trouver quoi que ce soit à lui reprocher. Je n'oublie pas qu'il a été le premier à me faire confiance et qu'il a continué à le faire pendant 16 ans.
L'heure n'est pas aux bilans pour moi, mais, même si je n'ai jamais vendu des centaines de milliers d'exemplaires chez lui, je pense avoir dessiné quelques albums de qualité, en toute liberté et en toute quiétude. Mourad a cette qualité de laisser les auteurs créer de façon tout a fait libre.
Etant moi-même né à Toulon, je connais autant que lui l'importance du R.C.T dans cette ville et la folie que cette équipe suscite lorsqu'elle vole de succés en succés, comme en 1992, lorsqu'elle est allée conquérir le bouclier de Brennus avec des gamins de 20 ans qui s'appelaient Tesseire, Delaigue, Orsoni ou De Rougemeont.
Aujourd'hui, j'envie Mourad de pouvoir consacrer 80% de son temps à mettre en place un projet ambitieux qui devrait emmener le RCT au sommet de l'Europe. C'est aujourd'hui son carburant, c'est ça qui le fait avancer et c'est tant mieux.
Il me reste, normalement, 2 tomes de Dracula à dessiner. Ces albums paraissant dans la collection 1800 de JL Istin, nous allons, je l'espère, travailler encore ensemble sur 92 planches. Mais le vrai patron aura changé dans l'intervalle.
Mon dernier dialogue avec Guy Delcourt remonte, je crois, à 1993. Il a certainement oublié.
Pas moi.
Mourad a su faire confiance, à une époque, à des jeunes auteurs inconnus, pas trés au point, mais qui ont appris leur métier grâce à lui. J'en ai fait partie, j'ai réalisé mon rêve de gosse en partie grace à lui et pour ça, je lui en serai éternellement reconnaissant.
22/06/2011
C'est certainement l'opération la plus importante dans le monde de la bande dessinée depuis
l'acquisition des éditions Dupuis par le groupe Média Participations, déjà propriétaire (entre autres labels) de Dargaud et des éditions du Lombard. Dans un communiqué parvenu à notre
rédaction, les Éditions Delcourt annoncent leur entrée dans le capital des Éditions Soleil. Une entrée par la grande porte, la part acquise étant majoritaire.
Cette opération, rappelle le communiqué, "résulte d’une volonté commune des deux fondateurs, Mourad Boudjellal et Guy Delcourt, dont les parcours n’ont cessé de se croiser
depuis plus de vingt ans. Créées à deux ans d’intervalle, en 1986 et 1988, les deux maisons concurrentes tissent très tôt des liens de collaboration : de 1990 à 1993, Soleil confie la
gestion de ses droits étrangers à Delcourt. 2003 voit naître leur filiale commune de diffusion, Delsol, qui s’impose d’emblée comme l’un des grands acteurs commerciaux du marché : outre les
catalogues de ses actionnaires, Delsol diffuse Futuropolis, Gallimard BD, les Humanoïdes Associés, Bamboo, et Panini."
Un mariage de raison, mais également un mariage de passion, affirme le communiqué, les deux hommes forts des ces deux maisons indépendantes, Guy Delcourt et Mourad
Boudjellal, voulant voir tout ce qui les rassemble plutôt que ce qui pourrait les séparer. "Ce rapprochement permet à Soleil de poursuivre sereinement et énergiquement son
développement, en bénéficiant à la fois du savoir-faire de Guy Delcourt et de l’implication de Mourad Boudjellal. Celui-ci reste actionnaire de la société, dirigera certains projets, et se
consacrera plus particulièrement aux relations avec les auteurs historiques de la maison. Il pourra ainsi conjuguer ses deux passions : la bande dessinée et le rugby, où il fait des
étincelles à la tête du RC Toulon."
Les différents labels rattachés aux deux structures sont pour l'heure préservés, de même que "leur identité". Le groupe éditorial ainsi formé acquiert une force de frappe sans commune mesure, les deux maisons ayant toutes deux une politique de production soutenue et d'occupation permanente des rayonnages, ce qui leur a été parfois reproché par la profession. Il devient également "par son chiffre d’affaires, le premier groupe indépendant du marché francophone de la bande dessinée."
Photo : Guy Delcourt (archives, Isabelle Louvier)
16:50 Écrit par Philippe Belhache dans Actualités | Lien permanent |